L'Auteur s'y est proposé de pouver que Dieu est réellement étendu & solide. Mais il est dans une perpétuelle contradiction. D'abord il veut qu'il y ait de l'analogie entre Dieu & l'homme par rapport à l'étendue, & il convient en même temps & en termes formels, qu'il n'y a pas d'analogie entre la Nature divine & l'humaine, absolument & en rigueur métaphysique. Il établit pour base de cette prétendue analogie, d'un côté, la simplicité & l'immutabilité de Dieu, & de l'autre côté la corruptibilité & la divisibilité de l'homme, comme s'il pouvoit résulter des propriétés analogues de deux principes aussi contraires. Il ne prétend pas que Dieu soit étendu & solide à la maniere des corps, quoiqu'il soit aussi réellement étendu & solide que les corps; il dit que l'étendue & la solidité de la substance divine nous sont inconnues & inconcevables: nouvelle contradiction, car il n'y a d'étendue & de solidité que celles des corps, puisque ces mots n'expriment que ces propriétés observées dans la matiere; d'où il résulte que ce qu'on appelle étendue & solidité non matérielles, inconnues & inconcevables, ne sont rien de semblable à ces propriétés de la matiere. L'Auteur du nouveau système rapporte ensuite un texte de Newton qui fait bien voir que les plus grands génies sont sujets à déraisonner comme les esprits les plus bornés. Le philosophe anglois y soutient que Dieu est tout oeil, tout oreille, tout bras, tout cerveau, & tout puissance sensitive, intelligence & active; mais d'une maniere qui nous est absolument inconnue. Deus totus est sui similis, totus oculus, totus auris, cotus cerebrum, totus brachium; totus vis sentiendi, intelligendi et agendi; sed ixore minime humano, minime corporeo, ixore nobis prorsus ignoto. Cela vaut bien autant que de dire avec J. le Clerc, que Dieu voit tout & entend tout, sans avoir ni oeil ni oreille. On cite encore Mr. l'Abbé de Houteville qui dit que Dieu n'est point corps à la maniere des substances étendues, que cependant il en a tout le positif, toute la vérité, toute la perfection, toute la bonté, qu'il contient éminemment aussi la perfection de l'intelligence, & qu'il jouit éternellement en propre de tout ce qu'il y a de réel dans ce qui peut être. Ces prétentions ont été suffisamment discutées dans la Chapitre LXIII. L'Auteur conclut par ces paroles remarquables: "Au lieu de distinguer, "comme on fait, les Etres en spirituels & corporels; il con"vient mieux de les distinguer en visibles & palpables & en " invisibles & impalpables à nos sens grossiers." Il n'y a donc que des corps selon lui, les uns visibles & palpables, les autres invisibles & impalpables à nos sens grossiers, mais visibles & palpables sans-doute à des sens plus subtils que les nôtres. Cette conclusion, toute singuliere qu'elle est, n'est point encore d'accord avec le reste du système; car si Dieu n'est pas étendu à la maniere des corps, il n'est point corps même invisible & impalpable à nos sens grossiers; ou s'il est corps, quelque subtil qu'il soit, il n'y a point d'inconvénient à le dire étendu à la manierere des corps. Au contraire un corps, s'il est étendu, l'est assurément à la maniere des corps. Il auroit donc été plus juste de distinguer les Etres, en Etres d'une étendue matérielle ou corporelle, & en Etres d'une étendue incorporelle. Cela paroit plus conforme aux principes du nouveau système, & ne l'est pas davantage à la raison, puisque nous ne connoissons l'étendue que comme une qualité de la matiere, & qu'il y a de la contradiction à admettre une étendue immatérielle.